[Rue 206]. Je suis humain. Je vis sur terre. Je n’y suis pas seul. Il y a le Covid19
Je m’appelle Alaaji Abdulaay Sekk. J’ai une famille, des amis et des voisins. Je suis un habitant d’un pays qui s’appelle le Sénégal, situé à l’ouest du continent africain. Aujourd’hui, je vis dans un quartier, une ville, une région, un pays où sévit une pandémie causée par un être vivant que les scientifiques ont appelé Covid-19.
Bien que je sente sa présence, je ne peux pas le voir, mes voisins et amis non plus. Pourtant, il est là et son impact est visible surtout que son action a engendré la mort de plusieurs personnes. On compte ses victimes en dizaines, en centaines et en milliers. Pour l’instant.
Si vous lisez ces lignes, cela voudrait probablement signifier que vous êtes encore en vie. Vous comme moi, ne savons si nous serons épargnés, et pour combien de temps encore. A ce jour, tout semble nous échapper, rien ne semble pouvoir me protéger. Tout peut nous arriver sans qu’on ne sache quand ni comment. J’ai la pleine conscience d’une chose néanmoins: mon extrême vulnérabilité et ma grande faiblesse.
D’ordinaire et lorsqu’une maladie survient, nous nous tournons vers ceux dont la connaissance est infuse en la matière. Aujourd’hui, ceux-là nous disent être incapables de nous protéger, au moins pour l’instant. Ils restent autant exposés que nous, aussi vulnérable que moi-même. Ce fléau que la communauté scientifique a dénommé Covid19 ne peut être combattu ni par un vaccin, ni par un médicament. Si désarmé.
Qui l’eut cru? Pourtant, notre monde n’a jamais été autant pourvu en ressources humaines et financières. Nous n’avons jamais autant engrangé de connaissances de toute sorte que par le passé. Était-ce cependant un leurre? Vivions-nous dans un monde de géants à pied d’argile? Notre « puissance » reposait-elle finalement sur la maîtrise de quel paramètre?
J’ai l’impression de vivre dans un monde où mon ouïe me rend sourd tandis que ma vue m’aveugle. Je vis dans un monde où tout semble m’appartenir, dans lequel je côtoie d’autres sans les voir quand bien même ils sentent mon regard sur eux.
Nous vivons dans ce monde de la manière la plus vorace, ne sachant plus ce qui nous est nécessaire. Depuis longuement. Voilà mon monde. Celui que nous avons construit à coup de sacrifices, d’efforts. Nous l’avons appelé un monde évolué, prospère, émergent et développé, nous conduisant à notre propre … perte.
Ces dernières décennies, nous avons occupé notre espace, envahi celui des autres. Nous avons piétiné tout ce qui semblait constituer un obstacle à notre dessein, sans même être capable de décrire ce vers quoi nous courrons. Ces dernières décennies, nous avons « vu » notre planète suffoquer, entraînant un bouleversement de cycles jamais imaginé. Ces derniers décennies, nous avons vu des espèces animales et végétales disparaître.
Nous n’en avions eu cure. L’avions-nous d’ailleurs remarqué?
Je vis dans un pays considéré comme sous développé selon les critères définis par ceux qui ont en charge de classer les économies. Mon pays côtoie, suivant ces mêmes critères, d’autres particulièrement pourvus en ressources financières. On les appelle les pays développés. Par conséquent, un pays développé devait avoir plus de possibilité à faire face à cette pandémie. Que nenni
Quoi qu’ait pu être la puissance des uns, quoi qu’ait pu être la faiblesse des autres, nous avons du faire face à un être invisible, infiniment minuscule mais contre qui ni arsenal militaire, ni laboratoire de pointe n’apu grand chose. Nous n’y pouvons rien. Absolument rien. Notre seule consolation, toute fierté ravalée, est de considérer qu’un jour (proche ou lointain), nous arriverons à résister pour survivre, pour simplement vivre.
Mince alternative. Tout ce que la science médicale a pu trouver d’extraordinaire comme solution, c’est un message : Restez chez vous!!!
Rester chez soi pour minimiser le risque, rester chez soi pour accroître ses chances de survie, rester chez soi pour ne pas s’exposer soi-même ainsi que ses proches. Rester d’ailleurs chez soi ne suffira pas. N’a plus suffit. Il nous ont indiqué d’autres mesures barrières.
Aussi grande qu’a pu être la nocivité du virus, se laver les mains, tousser au niveau du coude, porter un masque, éviter le contact avec d’autres dont on ignore le statut, soit tout le monde d’ailleurs, constituent des mesures qui peuvent faire barrière à la propagation. Tellement simples, a priori. Oui a priori parce que les choses ordinaires nous sont devenus réellement inaccessibles.
Et donc bon gré mal gré, nous sommes restés chez nous, avec différentes formules et pour divers résultats. Nous avons pu apprécier ces actes, nous n’avons cependant eu aucune vérité réelle sur leur impact.
Pendant cette période, la nature a repris ses droits et beaucoup d’espèces avec qui nous partageons cette planète ont repris du souffle. La pollution a diminué, fortement; notre environnement est devenu plus stable, plus bienveillant; les animaux ont reconquis d’autres espaces et repris vie. Cette vie que nous avons sans cesse voulu remettre en cause.
Et s’ils avaient sollicité la survenue de ce virus pour ne pas périr et nous entraîner dans leur perte? L’ultime sacrifice. Certains événements de la vie doivent nous servir à quelque chose. Certains événements nous ont servi si peu, depuis que nous les vivons. Il faut en avoir conscience pour en apprendre, pour corriger, pour remettre à l’endroit. Ce n’est certainement pas encore le cas. En sera-t-il autrement ? Time will tell !!!
Je suis humain. Je vis sur terre. Je n’y suis pas seul.
Une réalité tellement simple. A priori. Nous l’avons appris en science et de notre propre constatation. Nous ne sommes pas seuls sur Terre. Pourquoi faisons-nous comme si ce n’était pas le cas? Mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez nous? Que sommes-nous devenus bon Dieu?
A propos de Dieu d’ailleurs, retenons qu’Il nous a crée et a mis à notre disposition, pour notre bien-être et notre équilibre, toute sa création. Tout ce avec quoi nous cohabitons dans notre univers y est pour notre équilibre et à notre service. Que fait-on d’ordinaire à un être qui est à notre service et pour notre équilibre? L’écraser? L’annihiler?
Etre la meilleure des créatures ne signifie pas être la seule. De l’endroit d’où vous lirez ces lignes, regardez simplement autour de vous. Combien d’éléments, êtres vivants ou inanimés nous entourent? Élargissez maintenant le cercle de quelques mètres, de quelques kilomètres, de plusieurs kilomètres. Jugez-en par vous-mêmes
Nous ne sommes pas seuls, nous ne pouvons pas être seuls sans remettre en cause jusqu’à notre existence. Cette réalité est sans doute liée au nouveau mot d’ordre : apprendre à) vivre avec le Covid-19
Il nous faut vivre avec lui dans un schéma de respect réciproque. En ayant conscience de son existence, de son droit d’existence, de sa rage d’exister. Ce nouveau paradigme n’est pas seulement valable avec ce virus. Il nous faudra nous y faire. Il faudra coexister avec l’ensemble de la création.
Ces trois derniers mois nous ont renvoyé la catastrophe générée par nos comportements, notre stature d’envahisseur, notre sur-occupation, notre surconsommation et son inutilité. Nous avons payé, nous avons hurlé de douleur, nous avons perdu des êtres chers et nous ignorons de quoi notre lendemain sera fait.
Le Covid19 a fait des centaines de milliers de morts et continue à ôter des vies. Nous en sommes encore épargnés sans trop savoir pourquoi ni comment. Il se pourrait que nous restions encore en vie à la fin de la pandémie sans trop savoir pourquoi ni comment. Ce qui sera par contre essentiel, c’est notre responsabilité vis-à-vis des victimes.
Nous invoquons aujourd’hui un nouvel ordre mondial. Il s’agit en réalité d’un transfert des manières de faire. Le message derrière cet ordre mondial voudrait simplement que ceux qui détenaient les manettes les cèdent à d’autres. Les mêmes causes produiront les mêmes effets. Ce n’est pas fondamentalement ce dont nous avons besoin.
Dame Nature elle, s’est rééquilibrée pendant que nous étions confinés. Nous nous devons être humbles, nous devrons faire l’effort de retrouver cette humilité qui n’aurait jamais dû nous quitter. Pourtant, rien, absolument rien ne nous garantit que nous ne reprendrons pas nos habitudes?
Pourquoi cela devrait d’ailleurs advenir ? Il suffit de jeter un coup d’oeil sur notre passé, sur nos expériences, sur ces événements qui ont failli faire basculer l’humanité. Qu’à t-on appris de ce qui a précédé?
Les seuls événements qui se dérouleront dans les prochains jours ne seront pas si éloignés de notre folie inconsciente à vouloir rattraper ce que nous pensons avoir perdu. Accordons un peu d’attention aux comportements et aux projections, un peu partout à travers le monde.
Demain, nous ne serons pas dépaysé.
Dans mon pays, le Sénégal, nous faisons également face à cette pandémie. Avec un impact moins important pour le moment, si les deux critères utilisés restent le nombre de victimes et l’impact économique. Cependant, et sans être un oiseau de mauvaise augure, gardons en tête que rien ne nous met à l’abri de ces situations malheureuses. Rien ni personne ne nous y a préparé.
Depuis l’indépendance, nos gouvernements successifs nous ont habitué à compter sur n’importe qui et n’importe quoi, sauf sur nous-mêmes. A aucun moment dans la marche de notre jeune nation, ceux qui ont eu la charge d’orienter notre quotidien ne nous ont considéré comme acteurs de notre avenir. Ni dans leur comportement, ni dans leur discours, ni dans les actes posés, nous n’avons senti qu’ils percevaient réellement nos capacités. Ils pouvaient tout nous assurer. Etat providence on l’a appelé.
En nous tenant éloignés, en nous privant d’éducation, en s’abstenant de nous mettre au cœur du dispositif que nous avons en commun, ils nous ont rendus dépendants, vulnérables, incapables et violents. Une violence inouïe subie au quotidien, une violence faite d’accaparements et de libertés prises avec la chose publique. Cette violence n’est cependant pas parvenue à nous ôter le sourire et l’éducation, nous poussant à dire merci pour des choses qui nous sommes dues. C’est aussi une force.
Cette force n’a pas cependant beaucoup pesé sur la balance face à l’énormité de nos faiblesses. A l’évaluation, nous traînons une manque d’informations, d’éducation, de formation, de sens civique et tutti quanti. Même si la responsabilité de toute cette situation ne nous est pas imputable, cela ne nous dédouane non plus. Il reste qu’en l’absence du paternalisme dont nous bénéficions, nous nous sentons perdus et très vulnérables.
Aujourd’hui, nous nous sentons abandonné. Ce n’est pas tant que nos autorités l’aient souhaité. Elles ne le voudraient pas qu’elles n’y pourraient rien d’ailleurs. Ce sentiment d’abandon n’est donc qu’illusion tout comme le fait d’espérer un développement grâce à la générosité d’autres qui comme nous, sont dans le besoin.
Nous n’avons même pas quelqu’un sur qui taper, ni de coupables à désigner. Nous ne pouvons cependant rester assez longtemps au stade des lamentations parce que c’est notre existence qui est en jeu, oui notre survie. Et d’ailleurs, vous l’aurez remarqué, c’est dans la nature de la pandémie du Covid-19 de renvoyer à chacun ses responsabilités.
A y voir de plus près, il ne nous est pas demandé l’impossible. Respectons les gestes barrières, portons un masque, toussons dans le creux du coude, évitons autant que c’est possible les regroupements, lavons-nous autant que possible les mains et ne posons aucun acte qui puisse nous exposer ou mettre en danger autrui. Devrait-on attendre de quelqu’un qu’il mette en application, pour nous, ces règles minimales? C’est à notre portée.
Ce sera déjà un grand bond en avant mais cela ne suffira pas. Pas qu’il faille alors se décourager, laisser tomber parce que je le rappelle, c’est une question de vie. Juste qu’il nous faut, en plus, appréhender les choses de la vie dans leurs réalités, poser un regard nouveau dans nos relations, questionner davantage notre impact sur cette terre et définir clairement nos objectifs de vie et les moyens d’y arriver. Nous aurons certainement des bonus en réserve pour demain.
Et demain?
Pour beaucoup d’entre nous, rien n’a fondamentalement changé et pas grand chose ne changera pour un bon moment. Ce n’est pas que nous n’avons pas conscience que chaque acte posé, à titre individuel, influera sur notre vie et celle des autres. Cet influence s’étendra à notre environnement et notre communauté. Elle engagera notre responsabilité, vis-à-vis des personnes qui ont perdu la vie et celles qui auront survécu. C’est autre chose. C’est notre égoïsme, expliqué en d’autres mots ou voilé d’autres actes.
Sans doute, notre vie sera ce que nous en ferons et pas forcément ce que nous voudrions qu’elle soit. Elle ne sera pas ce que nous voudrions qu’elle soit parce qu’on compte d’abord sur d’autres. Nous comptons sur eux au sujet de responsabilités qui nous importent et au mieux nous attendrons qu’ils agissent pour que nous agissions. En fin de compte, chacun attendra. Tous attendrons.
Cela ne gomme cependant pas une vérité. La vérité est que la partie de la terre où nous nous situons à présent importe peu. La vérité est que notre responsabilité demeure intacte et entière, selon que nous agirons ou que nous nous en abstenons.
dans l’intimité de notre être, là où nul ne peut accéder, nous pouvons tranquillement nous poser, réfléchir et surtout nous demander si nous sommes à la hauteur de la dignité d’humain dont nous sommes porteur. La dignité d’humain dont nous sommes porteurs.
Alaaji Abdulaay
Un peu de paranoïa aussi. Ecran en veille, on clique pour réactiver, on parle de copier!
Si ce message apparait, souriez et poursuivez la lecture cher ami.