[Rue 150]. La publicité au Sénégal échappe-t-elle à tout contrôle?
J’avais sur un post Facebook sollicité la différence entre la communication, l’information et la publicité au Sénégal. Sans vous rapporter les détails spécifiques, je retiens de la pub comme l’étape la plus avancée en ce qu’elle appelle de la part du récepteur une action. Un seul billet ne suffira certainement pas à évoquer tous les aspects relatifs à ce sujet surtout lorsqu’on regarde la pratique aujourd’hui.
Lorsqu’on est familier avec cette matière, on est d’emblée interpellé par le décalage entre la pratique des acteurs et la réglementation. On l’est également, sinon plus, lorsqu’on analyse cette pratique au regard de l’évolution constatée en cette matière et les nouvelles formes d’exposition. L’exemple type est le placement de produits, délibéré ou non, dans nos séries et émissions mais nous en reparlerons plus tard.
Salam Wa Mbedmi,
En faisant mes recherches sur le dispositif régissant la pratique de la publicité au Sénégal, je suis tombé sur trois textes majeurs. Le premier est la loi sur la publicité au Sénégal en date du 28 janvier 1983, on avait (encore ou déjà) un ministère chargé de l’information et de la communication. D’autres dispositions complémentaires ou spécifiques ont été introduites par la loi portant création du CNRA (2006) et le code de la presse (2017).
C’est la loi de 1983 qui a introduit le mécanisme de l’autorisation préalable à toute exercice de la publicité au Sénégal. Le visa est délivrée, selon le texte, par le Ministre chargé de l’information après avis d’un organisme de contrôle et de règlementation crée (à créer) par décret. Les étrangers étant tenus, en sus, de conclure un accord de représentation avec une agence locale agréée.
A travers cette réglementation, le législateur cherchait avant tout à protéger les agents de publicité locaux contre la concurrence des professionnels étrangers. Ceux-ci dit-on raflaient les contrats de publicité des annonceurs locaux sur la base de lettres de recommandation. Il s’y ajoute que l’administration ne parvenait pas à taxer les rémunérations. Au delà, les autorités évoquaient l’absence de toute taxation sur les rémunérations.
La tentative de règlementer le secteur a d’abord commencé par la désignation des acteurs ou des structures. Ainsi, étaient autorisés à intervenir les agences-conseil en publicité ou les régies publicitaires, ou l’un et l’autre dans une même entité. Aujourd’hui, le marché semble s’être largement ouvert avec notamment l’arrivée de nouveaux intervenants et la reconversion des acteurs classiques.
La pratique s’est mue. De plus en plus, les télévisions interviennent au delà du champ de diffusion et font de la production. De plus en plus également, les annonceurs prennent se prennent en main et effectuent eux-mêmes les tâches dévolues aux agences. Cela va, si on y prend garde, bouleverser le secteur avec des conséquences imprévisibles surtout qu’aucun mécanisme ne semble travailler à la régulation.
Une régulation quasi inexistante
Un organisme de contrôle et de règlementation était pourtant prévu dans la loi sur la publicité au Sénégal. Son rôle premier aurait été de faire appliquer les principes de base de toute publicité. Il devait veiller notamment à ce que toute publicité obéisse aux règles de décence, de loyauté et de vérité. Cela nous aurait épargné toute ces publicités dissimulées, trompeuses ou mensongères.
La dénomination et la composition de cet organisme devaient être fixés par décret mais le texte n’a jamais été pris. Du coup, les consommateurs ne sont guère à l’abri de la tromperie ou de l’erreur sur la marchandise pour être plus soft. Seront ainsi catégorisées telles quelles les annonces qui comportent des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur. Les retours de clients publiés sur les réseaux sociaux dénotent de ces pratiques.
La publicité on le dit, tend à présenter une personnalité, un service ou un produit sous ses plus beaux atours. C’est pourquoi, les diffuseurs doivent veiller à ce que le contenu des messages ne comporte pas des imputations ou allusions diffamatoires ou constitutives de ne faute dommageable. Il ne peuvent également comporter de comparaisons dénigrant d’autres marques, produits, services, entreprises identifiables.
J’en déduis que le fait de citer à titre d’illustration un programme qui passe sur une « chaine concurrente » ne peut être assimilé à de la publicité. Rappelez-vous la précision faite au début: publicité = appel à l’action. C’est cela qui différencie la pub de la com ou de l’info. J’en déduis qu’on peut aisément dans un débat citer tel organe ou telle émission à titre d’illustration. Le débat est cependant ouvert sur cette question.
Il est par contre interdit de créer ou d’entretenir une confusion avec d’autres produits ou entreprises, etc. Nous en faisons certes, façon délibérée ou en ignorance des règles. C’est le cas sur le télé-achat, du reste assez bien règlementé par le code de la presse. Regardez bien l’émission Kouthia Show sur la TFM et dites-moi si c’en est une. A l’origine, Je pense qu’il s’agissait d’un programme de divertissement mais visez la suite.
Le code de la presse a clairement pris position sur l’exposition des produits en ces termes « L’exposition d’un produit à des fins de publicité durant toute une émission est interdite ». S’il s’agit d’un télé-achat, au delà de son indication sans équivoque, l’émission ne peut être interrompue par des écrans publicitaires. Si l’on est en présence d’un programme classique, 20 minutes au moins doivent séparer deux interruptions successives.
Dispositions particulières
Ces dispositions particulières sont revenues sur les différentes lois que j’ai annoncé plus haut. Pour le cas spécifique des enfants, il est interdit toute déclaration qui pourrait leur causer un quelconque dommage. La publicité ne doit non plus exploiter leur crédulité naturelle ou le manque d’expérience des adolescents. Le code de la presse prohibe d’ailleurs la présentation de mineurs en situation dangereuse, sauf motif légitime.
Lorsqu’elle fait appel à la femme, la publicité ne doit pas, pour quelque motif que ce soit, porter atteinte à sa dignité ou la déconsidérer. Elle ne doit pas non plus éveiller chez les malades des espoirs fallacieux, ni exploiter leur manque éventuel d’esprit critique à l’égard des messages leur promettant un traitement efficace ou la guérison. Sur ce point mom, il y’a à boire et à se désaltérer à nouveau mais je suis à jeûn.
Finalement, pour suppléer le vide noté sur la publicité au Sénégal, le CNRA essaie tant bien que mal de se positionner en gendarme régulateur avec les failles liées à la loi qui l’instaure. C’est quand même dommage parce que l’organisme de contrôle et de réglementation avait une compétence large et diversifiée. Saviez-vous que même la publicité par tam-tam entrait dans son champ de contrôle. Tellement sérieux notre législateur 🙂
La plus grand souci que nous avons semble être l’affichage. Je ne parle même pas de la manière dont les panneaux agressent notre environnement urbain. Vous aviez tous suivi le différend entre Barthélemy Diaz, les régies publicitaires et l’administration au sujet de la tutelle sur cette activité. Je ne me mêlerai pas de ce combat, ce qui m’interpelle par contre reste l’affichage sauvage de rue et j’avais suggéré des solutions. Allez voir 🙂
Le CNRA ne semble pas avoir droit de regard sur la pub par affichage tout comme sur les réseaux sociaux. La loi qui l’institue prévoit qu’il a compétence pour exercer un contrôle sur le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires. C’est le cas surtout lorsqu’elles sont diffusées par les sociétés nationales de programmes et par les titulaires des autorisations délivrées pour des services de communication audiovisuelles privés.
La présidentielle de 2019 est à nos portes et les publi reportage se disputent déjà nos écrans. Certainement que le CNRA prêtera attention à cette présence à sous pour l’équilibre des audiences politiques. Quid de la publicité sur les sites d’informations en ligne, payée très cher et qui pousse à putes à clic ? Sur les réseaux sociaux, on semble s’aligner sur les conditions d’utilisation mais cela suffit-il?
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Alaaji Abdulaay Sekk
Kéneu si wambedmi